ISSN 2271-1813

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Dictionnaire de la presse française pendant la Révolution 1789-1799

C O M M A N D E R

   

Dictionnaire des journaux 1600-1789, sous la direction de Jean Sgard, Paris, Universitas, 1991: notice 1229

LA SPECTATRICE DANOISE (1748-1750)

1Titres La Spectatrice danoise, ou l'Aspasie moderne, ouvrage hebdomadaire.

Les feuilles du t. II portent généralement comme sous-titre: «Essais sur divers sujets».

2Dates Septembre 1748 - avril 1750 (des feuilles furent peut-être lancées à titre d'essai dès le mois d'août). Nombre total de volumes: 2 ou 3. Approbation du censeur pour le deuxième tome datée du 25 avril 1750.

Périodicité annoncée: le lundi et le vendredi jusqu'à l'Amusement XVII, puis le mercredi et le samedi. Elle fut respectée, sauf incident (une interruption fut annoncée dans l'Amusement XXVI). Mais les feuilles furent suspendues lorsque la cour prit ses quartiers d'été hors de Copenhague, puis durant une grave maladie qui immobilisa La Beaumelle pendant tout l'automne 1749, soit de mai à décembre 1749 inclus. On compte une trentaine de livraisons pour l'année 1748, autant de janvier à avril 1749, et une vingtaine de la mi-janvier à avril 1750, date du départ de La Beaumelle pour Paris.

3Description T. I, 1re partie, p. 1-248 (déc. 1748); 2e partie, p. 249-504 (avril 1749). T. II, p. 1-202 (avril 1750).

Cahiers de 8 p., 110 x 180, in-8º. Certains cahiers furent réimprimés, avant d'être insérés dans les volumes. Aucune feuille séparée, en français ou en danois, n'a pu être retrouvée.

Devise du t. II: Quid pulcrum, quid turpe, quid utile, quid non?

Les exemplaires présentent d'importantes différences. Les deux parties du premier tome sont reliées en 1 ou 2 volumes. Chaque volume ne contient pas toujours les mêmes feuilles (les lettres sur l'Esprit des lois sont parfois absentes du t. II). On peut trouver à la tête du t. I une dédicace à la princesse héréditaire de Suède, et au grand chambellan du roi de Danemark, le comte de Plessen, à la tête du t. II.

4Publication Copenhague. Libraires associés: «on distribuera [...] chez M. G. Fursman à Copenhague, rue Aabenrade, & chez M. Mengel, libraire, rue Kiöbmagergaden», puis à compter de l'Amusement XI «chez M. G. Fursman, rue Aabenrade, chez M. Momme à la Bourse, & chez M. Rothe, rue Kiöbmagergaden, ainsi que dans la librairie de la maison des Orphelins sur le nouveau marché». Un avis paru dans l'Amusement XXVII informe que «cet ouvrage hebdomadaire ne se distribuera plus que chez le Sr François Bugnion, fabricant de tabac, dans le vieux Strand».

A l'étranger, pour la vente des volumes, Rey à Amsterdam, Fromery à Berlin, Varrentrapp à Francfort, Petit et Dumoutier à Hambourg, David le jeune à Paris, Chrétien Hilscher à Dresde, Arkstée et Merkus à Leipzig, Cramer et Philibert frères à Genève, Salvius à Stockholm.

Au départ La Beaumelle comptait vendre 400 feuilles, qui lui rapporteraient 1100 à 1200 # par an. Il se félicitera d'en tirer 12 rixdales par semaine, soit environ 50 #. 200 feuilles partaient à Hambourg ou à Altona, où frauduleusement s'en écoulaient peut-être 200 autres. Son imprimeur en expédiait aussi clandestinement en Suède à un frère imprimeur. Une traduction en danois faisait espérer 600 feuilles pour Copenhague et 400 «pour les provinces», soit pour l'auteur seul un revenu de 1500 rixdales par an. Sur les 200 envoyées à Hambourg ou Altona, il ne s'en vendait que 80 à environ 3 s. et demi de France chaque; les libraires bénéficiaient de 25% de rabais.

Chaque livraison coûtait 15 # pour impression et papier; pour le garçon 3 #; faux-frais 1 #. A Copenhague seulement se vendaient 230 feuilles à 4 s. l'une, d'où 44 # moins les frais, reste 25 #; à raison de 2 par semaine, et compte tenu des vacations, cela faisait 200 # par an.

Une liste de souscripteurs est reliée dans certains volumes, parfois avec des additions manuscrites. On y trouve 112 souscripteurs pour 145 souscriptions. 70 souscripteurs appartenaient à la cour et à la noblesse, dont 10 des plus hauts dignitaires du royaume et 6 ministres étrangers, 7 tenaient des emplois importants dans l'administration. On identifie encore 11 officiers, 5 négociants ou banquiers, et 3 pasteurs. Presque tous résidaient au Danemark ou à Hambourg.

Les volumes se vendirent principalement en Allemagne, en Hollande, et en France.

5Collaborateurs Laurent Angliviel de LA BEAUMELLE, qui insérait parfois des pièces de divers auteurs, identifiés, anonymes ou fictifs.

6Contenu Contenu annoncé: traiter de tous les sujets, sans pédanterie et en toute liberté d'esprit et de plume, comme il est permis à une femme: «Une vivacité saillante, des idées tirant sur le nouveau, des réflexions plus ingénieuses que solides, quelques traits brillants, de la naïveté dans le récit, de l'enjouement dans le style, de la finesse dans l'expression, voilà à peu près tout ce qu'on exige de nous» (p. 136). Cette danoise utilise le français comme la langue la mieux adaptée à son but, qui est d'amuser et de plaire. Elle reconnaît l'aide d'un ami plus sérieux. Le t. II renonce à la fiction de la femme-écrivain.

Contenu réel: essais moraux, essais philosophiques et religieux, essais politiques, essais littéraires, descriptions de la société danoise, évocations de l'ancien Danemark, poèmes et nouvelles, pièces diverses.

Principaux centres d'intérêt: protestantisme, franc-maçonnerie, incrédulité, monarchie, noblesse, courtisans, théâtre, opéra, poésie, roman, lecture, ancien Danemark.

Principaux auteurs étudiés: Holberg, Montesquieu, pasteur Mourier, Voltaire, La Beaumelle.

7Exemplaires B.R. Copenhague, 60. 143. Les volumes ne sont pas rares.

8Bibliographie B.H.C.; H.G.P.; DP2, art. «La Beaumelle».

Deux traductions partielles en allemand: Des Herrn de La Beaumelle Gedanken, Copenhague et Leipzig, 1756, 62 p., in-12 et 1757, 122 p., in-8º.

Mentions dans la presse du temps: Bibliothèque impartiale, janv.-févr.-mars 1750, p. 105-108; Gazette de France, 21 févr. 1750; Opuscules de M. F., 1753, p. 387-431; Lettres sur quelques écrits de ce temps, 21 juin 1753; Bibliothèque des sciences et des beaux-arts, juil.-août-sept. 1758, p. 237. Articles et monographies: – Clausen J., «Fransk litterater i Kobenhaven pa Frederik den femtes tid.», Historisk Tidskrift, 7 R I b, 1897, p. 1-58. – Ehrencron-Muller H., Forfatter-lexikon omfattende Danmark, Norge og Island indtil 1814, Copenhague, 1925-1933. – Gilot M., Les Journaux de Marivaux. Itinéraire moral et esthétique, Lille, 1974, p. 768, 775-776 et 876. – Lauriol C., La Beaumelle. Un protestant cévenol entre Montesquieu et Voltaire, Genève, 1978, p. 149-166 et 235-247. – Lenel S., «Un ennemi de Voltaire, La Beaumelle», R.H.L.F., 1913, p. 101-132. – Paludan J., Danmarks Litteratur i Holbergtiden, Copenhague, 1913. – Idem, Fransk-Engelsk indflydelse paa Danemarks litteratur i Holbergs tisalder, Copenhague, 1913. – Sans M., «Bagatelle pour un épervier», Archistra, 1974, p. 3536. – Schyberg F., Dansk Teaterkritik, Copenhague, 1937. – Stangerup H., Romanen i Danmark i det attende aarhunderede, Copenhague, 1936. – Stolpe P.M., Dagpressen i Danmark, Copenhague, 1882. – Taphanel A., «La Beaumelle à Copenhague», R.H.L.F., 1895, p. 201-220. – Idem, La Beaumelle et Saint-Cyr, Paris, 1898.

Historique La Beaumelle, alors précepteur chez le comte de Gram, favori du roi de Danemark, comptait sur La Spectatrice danoise pour accroître son renom à Copenhague et dans toute l'Europe, et lui assurer un complément de ressources. Il lança ses feuilles sur le conseil du baron Holberg, qui s'était engagé à fournir la totalité des fonds nécessaires à leur mise en route (la moitié pour la version danoise), et de la copie. La brouille qui survint conduisit La Beaumelle à prendre seul la responsabilité de l'entreprise. Il s'inspira pour le titre d'une feuille, rédigée en allemand par Jörgen Reis, qui avait paru quelque temps à Copenhague. Pour se démarquer de la lourdeur attribuée à son prédécesseur, il imagina le personnage énigmatique d'Aspasie, jeune femme danoise, fervente de la langue et de l'esprit français, et tout au long du t. I donna à chaque feuille, consacrée à un sujet différent, le titre d'«Amusement». Cette fiction fut vite découverte à l'époque, mais elle a conduit certains critiques à ranger à tort La Spectatrice danoise parmi les périodiques féminins. La Beaumelle en était le rédacteur unique. L'histoire de ces feuilles est faite de difficultés diverses avec Holberg, les libraires et imprimeurs, les autorités. Elles plaisaient par leur caractère satirique et polémique. Le succès amena La Beaumelle à les publier en volumes. La critique danoise reconnaît leur influence dans la diffusion de l'esprit philosophique dans les pays de la Baltique. La critique de L'Esprit des lois qu'elles contiennent joua un rôle important dans les relations entre Montesquieu et La Beaumelle. Le jeune journaliste chercha à prolonger son avantage au Danemark, d'abord par un essai avorté de Nouvelles littéraires avec M.M. Rey (voir cet article), puis par une gazette à la main, les Nouvelles de la ville, de la cour et du Parnasse (1751).

Claude LAURIOL

 


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© Universitas 1991-2024, ISBN 978-2-84559-070-0 (édition électronique)