ISSN 2271-1813

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Dictionnaire de la presse française pendant la Révolution 1789-1799

C O M M A N D E R

   

Dictionnaire des journaux 1600-1789, sous la direction de Jean Sgard, Paris, Universitas, 1991: notice 533

GAZETTE DE VIENNE (1757-1792)

1Titres La Gazette de Vienne, communément nommée dans la presse locale de l'époque «das französische Wiener Diarium», reprit avec succès la tentative de lancement d'un journal français (non retrouvé) qui avait avorté à Vienne quatorze ans plus tôt. Annoncé dans les nº 101 à 104 du Wienerisches Diarium de décembre 1742, ce journal français n'était pas parvenu à se soutenir au-delà de quelques numéros édités chez Ghelen au début de l'année 1743.

2Dates Dix-sept volumes distincts sont actuellement connus, répartis dans plusieurs collections: 16 pour la période allant du 2 mars 1757 au 30 décembre 1772, et 1 volume correspondant à l'année 1783.

Privilège: janvier 1757. Périodicité réelle: bihebdomadaire, le mercredi et le samedi.

1757: 88 livraisons annuelles; puis 104 à 105 (105 en 1760, 1766, 1768 et 1783).

3Description Chaque volume, à part le premier, comporte 104 à 105 livraisons bihebdomadaires. Le nombre de pages des volumes est variable, et ces pages ne sont pas numérotées.

Cahier de 4 p., 160 x 220, in-folio, accompagné d'un Supplément de 2 p. et parfois d'une Feuille extraordinaire.

Un trophée précède le titre de chaque numéro, ainsi que les feuilles extraordinaires qui sont parfois également décorées d'un motif de conclusion.

4Publication Vienne. Editeurs successifs: 1757-1771: Trattner, au Schottenhof; 1772-1776: Kurzböck, place du Hoff, nº 216; 1776-1792: Trattner, Freysingerhof, nº 591-596.

Prix: dans sa demande d'impression du 2 janvier 1757, conservée au «Haus-Hof und Staatsarchiv» (Zeremonialakten), Gontier annonçait les prix de 7 Kreutzer par numéro et 12 florins pour l'abonnement annuel, ce qui correspondait aux prix de la gazette allemande de Vienne, le Wienerisches Diarium.

5Collaborateurs Fondateur: Jean Théodore GONTIER.

Directeurs successifs: 1757-1780, Jean Théodore Gontier; 1780-1786, Johann-Friedrich SCHMIDT; à partir de 1786, Charles de GRANDMÉNIL.

6Contenu Contenu annoncé: dans sa requête de janvier 1757, Gontier annonce clairement son intention de composer sa gazette «sous les yeux, de l'aveu, et pour ainsi dire par ordre du Souverain». Il s'interdira donc «la satire», ainsi que les «visions» et raisonnements vagues, et ne rapportera que des «faits vrais», avec netteté, exactitude et décence. Il sollicite pour ce faire des communications régulières des différentes chancelleries. Ainsi la collection des gazettes pourra former «un corps d'histoire du temps».

Contenu réel: informations politiques, militaires, scientifiques, littéraires et mondaines en provenance des principales capitales européennes. Le Supplément propose des documents officiels (déclarations solennelles, ordonnances, avis, notamment de la Députation ministérielle de la Banque, promotions, etc.).

Principaux centres d'intérêt: la Gazette de Vienne présente en français, sur plus de trente ans, la politique officielle de la cour d'Autriche; elle donne des informations précises sur la vie mondaine et intellectuelle à Vienne, et annonce régulièrement les ouvrages nouveaux en vente chez Trattner.

Principaux auteurs cités: Métastase, Klopstock, Gottsched, Voltaire, et tous les membres de l'Académie française.

7Exemplaires Collections étudiées: Wiener Stadt und Landesbibliothek, Wien, A 24 188 (1757-1769, 1783); Österreichische Nationalbibliothek, Wien, 48.F.55 (1757-1763, 1769); coll. privée du Dr Lang, ÖNB Wien (1760, 1769-1772).

Autres collections: B.N., 8º G 15 988 (1757-1761); Landesbibliothek Schwerin (1757-1761); Bundesarchiv, Frankfurt (1760-1766).

8Bibliographie DP2.

Mentions dans la presse du temps: fréquentes à Vienne bien sûr, notamment dans le Wienerisches Diarium, mais aussi dans la presse allemande. – Zenker, Geschichte der Wiener Journalistik von den Anfängen bis zum Jahre 1848, Wien und Leipzig, 1892. – Kirchner, Das Deutsche Zeitschriftenwesen. Seine Geschichte und seine Probleme, t. I, Wiesbaden, Harrassowitz, 1958. – Strasser, Die Wiener Presse in der josephinischen Zeit, Wien, Verlag Notring der wissenschaftlichen Verbände Österreichs, 1962. – Duchkowitsch, Absolutismus und Zeitung, Die Strategie der absolutistischen Kommunikationspolitik und ihre Wirkung auf die Wiener Zeitungen (1621-1757), Diss. U. Wien, 1978. – Teissier, «La presse de langue française éditée à Vienne au XVIIIe siècle», dans Le Journalisme d'ancien régime, ouvrage publié sous la direction de P. Rétat, Lyon, P.U.L., 1982.

Historique La Gazette de Vienne fut sans conteste le plus important des périodiques de langue française édités à Vienne au cours du XVIIIe siècle. Elle parut tous les mercredis et samedis, durant au moins 35 ans à compter de mars 1757, et constitue l'un des meilleurs témoignages du succès de la langue et de la culture françaises auprès de l'élite viennoise de l'époque.

Elle fut fondée, moins d'un an après le traité de Versailles, par Jean-Théodore Gontier, avec l'approbation bienveillante de Marie-Thérèse et du prince de Kaunitz, qui fut sans doute pour beaucoup dans sa création. Dans sa remarquable thèse sur l'absolutisme et la presse, Wolfang Duchkowitsch a publié la requête officielle de Gontier, datée du 2 janvier 1757, dans laquelle celui-ci manifeste clairement son intention de créer une sorte de journal officiel en langue française. Cette entreprise avait déjà été esquissée treize ans plus tôt, au début de l'année 1743, alors que Marie-Thérèse cherchait un rapprochement avec la France, par Johann-Peter van Ghelen, qui éditait en italien le Corriere de Vienna; mais la tentative n'avait pas eu de lendemain. Il n'en fut pas de même en 1757, où toutes les circonstances étaient favorables au succès d'un tel projet. Kaunitz, qui depuis son ambassade à Paris était entièrement gagné à la culture française et dont le renversement des alliances était l'œuvre, fit enjoindre aux bureaux de communiquer régulièrement à Gontier toutes informations utiles, et la Gazette de Vienne put commencer à paraître sous les presses de Jean-Thomas Trattner à partir du 2 mars 1757.

Elle répondit parfaitement à son projet initial et proposa durant plusieurs décennies une lecture des événements (et d'abord des péripéties de la guerre de Sept ans) parfaitement conforme à la politique de la cour de Vienne. Le Supplément qui accompagnait chaque numéro proposait d'ailleurs souvent des textes officiels: déclarations solennelles, nominations, états des troupes, avis de la Députation ministérielle de la Banque... La France y était considérée comme l'alliée privilégiée, dont étaient délibérément soulignées toutes les manifestations de zèle, et minimisées les réticences; alors que la Prusse était présentée comme l'adversaire principal, outrecuidant fauteur de troubles, dont le comportement déconcertant manquait à tous les usages... La culture française, qui devait atteindre sous Marie-Thérèse son expansion la plus grande en Autriche, bénéficia largement du support de ce périodique qui sut faire place également aux informations concernant la vie intellectuelle et mondaine. L'audience que s'acquit ainsi la Gazette de Vienne et sa docilité envers le pouvoir bénéficièrent largement à son fondateur à qui fut confiée la charge de directeur de la régie du Burgtheater de 1770 à 1772, et qui, en tant que censeur et ami de Van Swieten, joua un rôle important dans la vie culturelle viennoise.

Peu à peu cependant, l'influence de la Gazette de Vienne commença à décliner: le changement d'imprimeur qui intervint de 1772 à 1776 ne semble guère lui avoir été financièrement favorable, en dépit ou peut-être à cause de l'adjonction, le 1er janvier 1773, d'un supplément culturel: la Feuille littéraire de Vienne (voir notice) qui ne put se soutenir plus d'un an. Aussi Gontier reprit-il bientôt sa collaboration initiale avec Trattner.

En 1780, la rédaction de la Gazette passa à Johann-Friedrich Schmidt, littérateur en vogue originaire de Berlin, qui avait créé en 1778 le Journal des auswärtigen und deutschen Theaters, dirigé en 1779 le théâtre de la Josephstadt, et à qui Trattner venait de confier la responsabilité de son cabinet de lecture. Cependant, le 12 mars 1782 la Gazette perdait le privilège dont elle avait joui depuis sa création, décision qui ne put que lui être grandement préjudiciable. En 1786, Trattner en confia la rédaction à un autre de ses lecteurs, Charles de Grandménil, journaliste qui semble avoir été particulièrement actif à cette époque, puisque après avoir dirigé, en cette même année 1786, l'Almanach universel, il devait assurer à partir du milieu de l'année 1787 la publication de la Correspondance universelle, bientôt dénommée Correspondance secrète, puis au début de 1788 celle de l'Extrait ou Esprit de toutes les gazettes. En dépit de cet activisme de son directeur, qui relevait aussi de l'affairisme, la Gazette de Vienne poursuivit son existence au moins jusqu'en 1792, puisqu'un guide viennois de cette année-là, imprimé chez Kurzböck (Neuester wissenschaftlicher Wegweiser für Fremde und Inlander vom Jahre 1792) mentionne encore la parution bihebdomadaire de la Gazette de Vienne. Dans son Histoire de l'Autriche, publiée aux P.U.F. en 1946, Jacques Droz souligne d'ailleurs qu'au début du règne de François II le journaliste Léopold Alois Hoffmann y développa la thèse que «c'étaient les francs-maçons et les illuminés qui étaient responsables de la Révolution française». Mais en dépit de ce soutien à la politique du comte Pergen, responsable de la police et de la censure, la revue dut ensuite disparaître dans la tourmente des guerres menées contre la France révolutionnaire, dont on sait qu'elles suscitèrent à Vienne un violent courant francophobe.

Philippe TEISSIER

 


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© Universitas 1991-2024, ISBN 978-2-84559-070-0 (édition électronique)