ISSN 2271-1813

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Dictionnaire de la presse française pendant la Révolution 1789-1799

C O M M A N D E R

   

Dictionnaire des journaux 1600-1789, sous la direction de Jean Sgard, Paris, Universitas, 1991: notice 409

ÉTAT POLITIQUE ACTUEL DE L'ANGLETERRE (1757-1760)

1Titres Etat politique actuel de l'Angleterre, ou Lettres sur les écrits publics de la Nation Angloise relativement aux circonstances présentes.

2Dates 1757 - 1760. 10 vol. Il semble que les premières livraisons aient paru simultanément: le volume I est daté de 1757, et la dernière livraison donne pour la lettre de Londres (rubrique irrégulière) la date du 15 mars 1757. On trouve dans le dernier cahier de ce volume l'Avertissement suivant: «Ces lettres paroîtront à l'avenir séparément; on fera en sorte d'en donner au moins deux dans le cours du mois». Vol. I à IV datés de 1757; vol. V à VIII de 1758; vol. IX et X de 1759; mais la dernière lettre du dernier cahier du vol. X est datée du 1er août 1760. Au total, 63 livraisons ou lettres. La périodicité fut certainement irrégulière: on annonçait trois volumes tous les deux mois; les abonnés durent recevoir environ deux livraisons par mois en 1757 et 1758.

3Description Le premier volume comporte 3 livraisons; les suivants 6 ou 7; chaque livraison compte de 65 à 72 p., chaque volume de 390 à 435 p. Format in-8º, 160 x 190. Devise: «Still by herself abused or disabused. Pope».

Tableaux des prises de mer, cartes et dépliants donnant le plan des batailles navales.

4Publication Paris, les frères Estienne. «On souscrit chez les Frères Estienne 24 livres qui envoient par la poste».

5Collaborateurs Edme-Jacques GENET.

6Contenu L'Avertissement du t. I indique l'intention de mettre au jour tous les écrits nés de la «fermentation» que produisent la guerre et la crise intérieure en Angleterre. Le journal publie des «Lettres de Londres» contenant à la fois des informations, un commentaire des événements et des extraits traduits des journaux anglais (Monitor, Gentleman's Magazine, Evening Post, London Gazette, Political Intelligencer, Westminster Journal, Craftsman, London Chronicle).

Centres d'intérêt: la marine, la politique anglaise, les colonies américaines, la guerre navale, la politique dans les îles des tropiques, la comparaison entre les systèmes politiques anglais et français. Sommaire au début de chaque livraison.

7Exemplaires B.N., 8º Nc 2345.

8Bibliographie H.P.L.P., t. III, p. 320-322; DP2, art. «Genet». – Mémoires secrets, t. XVIII, p. 42. – Samoyault J.P., Les Bureaux du Secrétariat d'Etat des Affaires étrangères sous Louis XV, Paris, 1971.

Historique En 1757, Rouillé, qui depuis 1749 s'était occupé à reconstruire la marine française, demanda à J.E. Genet, chef du Bureau des interprètes au ministère des Affaires étrangères, qui déjà centralisait les informations fournies par les gazettes anglaises, les classait et les traduisait, d'en tirer la matière d'un périodique. «De cette manière, le gouvernement désirait maîtriser si possible l'information tendancieuse venue d'Outre-Manche» (Samoyault). Il s'agit donc d'un journal gouvernemental dont les livraisons sont contrôlées d'en-haut. Le fonctionnement du journal restera le même après la démission de Rouillé, sous le ministère de Choiseul.

Le projet et la composition du journal se déduisent du titre et du sous-titre. Il s'agit de politique et de l'Angleterre au travers de sa presse d'actualité. Mais pour satisfaire aux lois du genre et pour mieux masquer le journaliste, on fait passer une partie de l'information et surtout son commentaire dans les «lettres» d'un prétendu correspondant à Londres. Celui-ci, qui est donné pour anglais, exprime à tout moment son admiration pour la France. Sa façon de choisir les faits ou les textes et de les commenter, souligne toujours les points faibles de la nation anglaise: incohérences du système parlementaire, faiblesse du pouvoir royal, difficultés avec les treize colonies, mécontentement et oppression dans les Iles, insuffisance de la défense des côtes du royaume et psychose d'un débarquement. Tout le volume IX est consacré à ce thème, avec l'historique et l'analyse critique des «descentes» passées, pour prouver qu'une invasion française dans l'immédiat entraînerait l'effondrement de l'Angleterre.

Pour renforcer l'objectivité de sa démonstration, le rédacteur use avec prédilection des chiffres: tableaux, cartes concernant la marine, les engagements et les pertes navales. Il le fait d'autant plus facilement qu'il est à la source des renseignements, travaillant à la fois pour les Affaires étrangères, la Marine et la Guerre; et ses «registres» suivent l'actualité depuis plusieurs années.

Une étude comparative des textes et de leur source anglaise s'imposerait, afin de contrôler l'exactitude des traductions et d'analyser le principe de fabrication du texte, que met bien en valeur le vers de Pope choisi pour devise, «Still by herself abused or desabused»: «herself» désigne naturellement l'Angleterre, tour à tour abusée et désabusée par elle-même, c'est-à-dire par sa propre presse et ses débats parlementaires, par cette «guerre intérieure» que le rédacteur caractérise dans son Avertissement (t. I). Il s'agit bien ici de propagande politique en temps de guerre, et, comme on dirait aujourd'hui, d'une forme d'«intoxication psychologique».

Nous n'avons pas de renseignements sur le tirage ou le succès de ce périodique, mais un mémoire de Genet dans le dossier 34 Personnel aux archives des Affaires étrangères dit que le Sieur Genet en tirait les ressources nécessaires au financement de son Bureau (achat des gazettes et des livres, frais de traduction, d'expédition, etc.), et qu'à la cessation de son journal, il se trouva fort gêné. En 1759, le libraire David, qui avait le privilège de la distribution des gazettes étrangères, s'entendit avec Palissot pour obtenir en outre le privilège d'une feuille hebdomadaire de «traduction des papiers écrits par les étrangers sur les événements politiques, sur le commerce et les marins». Choiseul charge Genet de contrôler la nouvelle publication et lui demande de mettre fin à son propre journal, qui s'achève avec le nº 57. Les Papiers anglais, en édition bilingue, ne paraissent que du 1er au 21 janvier 1760 et sont remplacés, au début-mars, par un périodique qui porte le titre de Etat actuel et politique de l'Angleterre. L'inversion des deux adjectifs ne dut pas suffire à lever la confusion, d'autant plus que ce nouveau périodique s'interrompit au 20 juin. La même équipe le remplaça par les Gazettes et papiers anglais, qui auront la vie plus longue (jusqu'au 29 juin 1762). Mais le premier numéro n'est prêt que le 11 novembre 1760, et dans l'intervalle, sans doute pour fournir aux abonnés leur dû, Genet redonne quatre numéros de l'Etat politique de l'Angleterre, dont le dernier contient une «lettre de Londres» du 1er août 1760. Cette fin chaotique et compliquée du journal de Genet a été fort bien éclaircie par J.P. Samoyault. Il faudrait enfin étudier les rapports entre l'Etat politique actuel et l'Observateur hollandais de J.N. Moreau, qui est de la même époque. Genet et Moreau se connaissaient, ils travaillaient tous les deux aux Affaires étrangères, et Moreau rappelle dans ses Souvenirs que Genet traduisait pour lui des textes dont il avait besoin. Le périodique de Moreau est comme celui de Genet uniquement politique et exprime la même fascination pour les affaires anglaises et coloniales; mais il utilise l'actualité pour raisonner, alors que Genet prétend seulement informer.

Madeleine FABRE

 


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© Universitas 1991-2024, ISBN 978-2-84559-070-0 (édition électronique)